22/12/2010 06:41

J06 - 206 MN en 24h - et POP!

Position le 21/12 à 1200 UT : 12°05N, 36°15W
Position le 22/12 à 1200 UT : 12°52N, 40°02W
Distance parcourue sur les dernières 24H : 206 MN
Moyenne sur les dernières 24H : 8,6 kts
Vent moyen sur les dernière 24H : de 18 à 26 kts (ENE)
Distance totale à parcourir : 2097 MN
Distance parcourue depuis Mindelo : 905 MN
Distance restant à parcourir pour la Guadeloupe : 1262 MN

Pêche : 0

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Rapport de notre 6ème jour en mer fait par notre coéquipier Olivier : 21 Dec 12h00 UT au 22 dec 12h00 UT

Quelle est belle cette traversée !

On file a un train soutenu de 9 nœuds. Le vent ralentit sa force pas à pas et nous invite à remplacer le foc par le genaker, deux fois plus toilé.  On garde encore un ris dans la grand voile afin de garder une marge de manœuvre au cas où Eole reprendrait un brin d’orgueil. Le ciel est dégagé, quelques nuages parsemés embellissent son arrière fond bleu référence Sigma 2754. Toujours aucun navire en vue, aucun pêcheur, aucun paquebot pavillon norvégien, aucun cargo gorgé de multiples containers, ni radeau de naufragés. Que viendraient-ils faire ici en plein milieu de l’océan, si ce n’est rechercher une boite noire d’un avion Air France craché il y a peu ?

Emile et Jules jouent à Barberousse le pirate, l’un brandissant le drapeau tête de mort et nous priant de remplacer notre fanion belge par le sien, l’autre , foulard sur la tête, prend ses crayons pour des lances-roquette et sa gomme pour des bombes meurtrières. Bien que ce sont des pirates des temps modernes inspirés par Super Mario de la Nintendo, ils scrutent l’horizon pour s’assurer qu’aucun Gaulois ne vienne entraver leur plan diabolique.  Lisa joue à la « pop up » girl démonstratrice de la sensibilité des gilets de sauvetage.  Chaque enfant à tour de rôle s’était mis bien arnaché sur la jupe arrière babord (idée d’Olivier !!) afin de profiter du spectacle des gerbes d’eau à l’arrière ainsi que des retours de vagues qui provoquent des bains de pied rafraichissants. Mais voilà que le bain de pied devient un bain de jambes moussant qui remonte jusqu’à la taille de Lisa et POP, son gilet se met à gonfler comme un air bag instantané. Bien que la pression l’étouffe quelque peu, Lisa reste calme et se remet vite de cette émotion avec son sourire qui traduit toute sa joie d’une telle expérience très fortuite.  Il sera préférable de ne pas renouveler cette expérience car nous n’avons pas trop de cartouches de rechange. Bien que le capitaine n’aime pas les surprises non contrôlées, le couple Van Cau  accepte avec zen cet épisode filmé en « life », le meilleur moment de cinéma selon Emile.

A 17 heures, une odeur appétissante de boulangerie nous fait croire un court instant que cette traversée n’est qu’un rêve de plus.  Je retrouve les odeurs matinales de pains chauds de notre boulangerie villageoise. Ce n’est pas possible d’avoir les mêmes sensations en plein océan. He bien oui. Fabienne et Lisa ont pétri et cuit au four un superbe pain de 1kg à la croute croustillante. Premier essai de maître, qui ouvre bien vite nos papilles et nous permet de laisser le filet de daurade  quotidien dans le frigo afin de savourer une soupe chinoise ponctuée d’une tartine au Kwatta. A voir la tête de Denis et Jules, c’est un vrai régal, surtout Jules qui commence à se demander si d’autres poissons habitent cet océan Atlantique. Pas de prise cependant aujourd’hui,  nous allons bien trop vite pour eux.

La nuit s’annonce sous les meilleurs hospices. C’est la nuit de la pleine lune et les sirènes sortent amoureuses de l’eau. Tel un phare d’Alexandrie, cette lune nous guide comme avec Christophe Colomb il y a plus de 500 ans.  Même si nous sommes bien mieux outillés de nos jours, j’ai tendance à relativiser l’exploit de ce dernier. Avec les Alizés, les astres et les étoiles, cap sur 270 degrés et c’est tout droit, jour et nuit. Par contre je placerais le défi sur l’intendance et l’hygiène à bord. Nous avons un désalinisateur, eux pas, nous avons une super douche, eux des sceaux d’eau. Combien de tonneaux d’eau douce devaient-ils emporter avec eux ? Combien de matelots mousses à bord pour nettoyer le pont de ces frégates super toilées ? Combien de kilo de viande pourrie ont dû être jetés à la mer ? Leurs habits devaient sentir la poisse, leur corps la transpiration salée. Déjà chez nous, 1/2 heure après notre douche quotidienne, Fabienne préfère nous faire des sourires de loin. J’apprécie Fabienne pour sa franchise, alors j’ai décidé de me raser la barbe de 10 jours pour ne laisser qu’un petit bouc au menton, en souvenir de mon prof de géo en 2ème.  Ah s’il me voyait maintenant sur cet océan, il me pardonnerait d’avoir confondu Katmandou avec Tombouctou, Budapest avec Bucarest, la mer d’Egée avec la mer morte. Un peu de désodorisant et de lotion après rasage complètent mon curage au bonheur de chacun et du mien aussi.

Il est 3 heures du matin et je suis de ¼ . Afin de partager mon extase, je vous invite à mettre vos écouteurs sur la musique de Katie Melua qui vous emporte et vous fait danser légèrement de gauche à droite dans son rythme à elle, telles des ondulations d’ houle imaginaire pour vous mais bien réelle pour nous. « if you were a sailboat, i would sail you to the shore….”  Assis derrière la barre, je me sens comme assis sur un dromadaire en plein désert, avec cette houle qui vient de derrière, la lune éclairant devant nous cette mer et ce ciel doté de quelques cumulus blancs bien visibles. Chaque étoile est un appel de liberté , de volupté, d’invitation aux voyages et aux rêves les plus prenants. Denis dort sur la banquette arrière, sa volupté à lui est réveillé  par des odeurs nauséabondes d’un poisson volant qui vient d’atterrir sur son sac a couchage. Un deuxième viendra l’érafler sur la joue droite. Deux heures plus tard, il sera lui aussi à la barre en standby (sans pilote auto) afin de sentir la bête sur laquelle nous  naviguons et épargner un peu de batterie. La lune le guide devant lui, Saturne à 180 ° derrière lui. Nous partageons des sensations communes, quel bonheur….et remarquons un navire au loin assez bien illuminé. Enfin trace de vie, autre que poissons volants et daurades.

Teoula se comporte à merveille, après chaque gros creux, il corrige son cap, pour  repointer sa proue sur l’objectif.  Ce n’est plus un simple catamaran, mais notre compagnon de route, notre guide et ami fidèle. Il nous rassure, nous parle, nous berce. Rendons lui hommage .

Nous le ferons le 24 dec à travers les chants au pied du sapin. Ce voyage est unique et le faire avec mon fils Jules est tout aussi unique.

Petit déjeuner collégial et succulent. Les tartines fraîche au Kwatta ont beaucoup de succès.

Le vent a renforci mais nous restons au genaker, c’est le TEOULA qui nous le demande . Tel un étalon, il cabre, puis  plonge le flotteur babord ( sous le vent) dans la vague, et ressort fier en dessinant des grandes moustaches blanches d’hercule Poirot, suivi de gerbes d’eau salée qui nous éclaboussent . La radio baraguine du chinois , ce qui rappelle quelques blagues étudiantines. ¼ d’heure plus tard, gros tanker en vue. Les info sur l’AIS sont très sommaires et ne nous permettent pas de l’identifier. Nous passons à un peu plus d’1 miles de lui sur des routes opposées. Il est énorme et tangue fortement. Les garçons ont le couteau entre les dents, le drapeau noir et blanc  tendu à bout de bras, prêt à l’abordage. Mais il semble trop haut sur l’eau. Nous en définissons qu’il est vide et qu’il est préférable d’épargner nos forces pour les devoirs scolaires. Ce n’est pas facile : imaginez écrire tout en descendant un toboggan. Fabienne a beaucoup de patience, c’est admirable, mais c’est un passage obligé sinon le retour à l’école sera difficile !! Réaliser plus de 206 miles durant les 24 dernières heures nous réjouit et démontre toute la capacité de notre insubmersible.  On remonte de 10° au vent afin qu’il ne se dévente plus par la houle, peut être le foc le remplacera plus tard par sécurité.

Passez une belle journée, God bless you, already six days on sea and this is Wednesday. A demain

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Dernière mise à jour le 15 juillet 2011